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Gouvernance des cabinets d’avocats : comment réconcilier management et performance ?

21 Octobre 2019 / Patrick Bignon / Affiches parisiennes

De nombreux efforts et progrès ont été réalisés ces dernières années en matière de gouvernance au sein des cabinets d’avocats d’affaires. Mais ces investissements ne génèrent pas toujours les retours escomptés, en particulier en termes d’amélioration de la performance. Il est possible d’y remédier en respectant un certain nombre de bonnes pratiques.

Les problématiques de gouvernance alimentent de nombreuses réflexions chez les avocats et donnent lieu au déploiement de différentes actions destinées à améliorer le management de leur cabinet : mise en place de nouvelles organisations plus cohérentes, optimisation des procédures, changement des modes de nomination, partage des missions de gestion entre les associés, professionnalisation des fonctions support (recrutements de secrétaires généraux, de directeurs généraux, de responsables des ressources humaines, du marketing et de la communication…).

Un retour sur investissement décevant

En dépit des efforts déployés, on observe que les associés sont souvent sceptiques, voire très critiques, à l’égard de la façon dont est géré leur cabinet. Les reproches peuvent viser le manque de collégialité ou de célérité de la prise de décision, l’inertie ou les difficultés constatées dans la mise en œuvre des décisions actées, le manque d’efficience de l’organisation… Il en résulte trop souvent des performances décevantes avec des frustrations de la part des associés, qui impactent la cohésion interne et le développement du cabinet, et peuvent générer des départs d’associés et de collaborateurs et des pertes de clients.

Ainsi, non seulement les réflexions et les actions menées ne permettent pas au cabinet de gagner en performance, mais le manque de retour sur investissement est souvent ressenti comme un échec et perçu comme une incapacité de la part des associés en charge de la gestion de la structure à mettre la gouvernance au service de la performance.

Des raisons externes et internes à la profession

Pourquoi le temps et l’énergie consacrés par les associés à améliorer la gouvernance du cabinet produisent-ils aussi peu de résultats ? Les raisons sont multiples.

Certaines ne sont pas propres aux cabinets d’avocats. De fait, toutes les entreprises sont confrontées à des problématiques de management de plus en plus complexes dans un monde devenu très concurrentiel et plus incertain : accélération des phénomènes de rupture et de remise en cause des «business models», court-termisme de la gestion, montée des exigences de la part de clients mieux formés et mieux informés, fortes attentes des collaborateurs en termes de management et de la société civile à l’égard de l’engagement des entreprises… Et les «entreprises d’avocats» n’y échappent pas.

D’autres raisons ont un caractère plus intrinsèque aux cabinets d’avocats. Outre le fait que nombre des associés, happés par le quotidien, peinent à dégager du temps à consacrer aux questions relatives au management et à la stratégie de leur cabinet, on observe souvent que ceux qui sont en charge du management du cabinet n’ont pas malheureusement de feuille de route claire, ou ne font pas ce qu’il faudrait pour déployer cette feuille de route, ou sont confrontés à l’inertie de leurs associés… D’où d’ailleurs les réticences – de plus en plus fréquentes – des associés à accepter d’endosser ces fonctions.

Un ensemble de bonnes pratiques

Comment réconcilier management et performance ? S’il n’existe pas de modèle parfait ni de modèle unique – dans la mesure où les problématiques de gouvernance des petits cabinets ne sont pas toujours celles des grandes structures –, il est possible d’améliorer l’efficacité managériale pour la mettre au service de la performance et du développement du cabinet en respectant un certain nombre de bonnes pratiques :

– Tout d’abord, une bonne gouvernance doit servir un projet.

Il est en effet difficile d’adapter, de faire fonctionner et de rendre performante la gouvernance d’un cabinet sans une vision et un projet partagés par les associés sur ce qu’ils veulent faire ensemble. Dans cet esprit et pour faciliter l’élaboration de la stratégie et son exécution, une bonne pratique peut être de dissocier entre les différents organes d’un cabinet les personnes chargées de réfléchir et d’élaborer la stratégie (comité d’associés, «advisory board»…) de celles en charge d’assurer le management au quotidien et l’exécution de la stratégie (COMEX, Managing Partner…).

– Une deuxième bonne pratique, essentielle au moment où on peut constater une crise du leadership, c’est de savoir choisir les bonnes personnes pour les bonnes positions. Cela paraît une lapalissade, mais c’est fondamental.

Choisir la ou les bonnes personnes à qui confier le management du cabinet est un exercice délicat car tout le monde ne dispose pas des qualités essentielles d’un bon dirigeant : l’écoute, l’empathie, la pédagogie, la diplomatie, le sens de l’organisation et de la communication, la capacité d’entraînement (ou leadership).

Le ou les bons candidats devraient avoir déjà acquis une expérience préalable et démontré des capacités à animer des équipes, assurer des fonctions de gestion, et jouer un rôle de facilitateur pour désamorcer les tensions et gérer les conflits entre associés. C’est pourquoi il est essentiel de préparer avec soin le casting permettant d’identifier ces moutons à cinq pattes, qui doivent non seulement fédérer, inspirer confiance mais aussi montrer l’exemple.

– Une autre bonne pratique dans la sélection des candidats est de veiller, non seulement à la diversité des compétences, mais aussi de s’assurer de la compatibilité des personnalités qui seront en charge. Trop souvent, les équipes de management sont paralysées dans leur fonctionnement pour des divisions et inimitiés entre ceux ayant la responsabilité du management. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’élection des candidats au management n’est pas forcément le meilleur système pour choisir l’équipe de management et parvenir au bon casting.

– De même, il est essentiel de savoir reconnaître que le temps de management est important pour les cabinets d’une certaine taille et que ceux qui exercent une fonction ne doivent pas être pénalisés dans leur rémunération pour le temps passé à la gestion et à la stratégie et au moment où leur rôle cesse en mettant en place un dispositif pour l’après-mandat.

– Enfin, une dernière bonne pratique, trop souvent ignorée dans le monde des cabinets d’avocats et plus fréquente dans les entreprises, il faut savoir corriger et adapter ce qui ne fonctionne pas en changeant les responsables qui ne répondent pas aux attentes. Trop souvent dans les cabinets le management reste en place alors qu’il fait du surplace. Les cabinets et les associés sont alors pénalisés à chaque fois que quelqu’un placé à un poste clé ne remplit pas son rôle et donc ne produit pas les résultats escomptés. Il faut donc savoir agir.

Dans cet esprit d’évaluation et d’appréciation de la performance de ceux en charge, les associés en responsabilité d’un cabinet se doivent de rendre compte de leurs actions, lesquelles doivent faire l’objet d’une communication régulière avec les associés.

Pour terminer, la confiance est au cœur du management des avocats, ce miracle qui fait que les avocats se mettent en marche quand ils sentent que les efforts sont partagés entre eux, que le système de rémunération de leur cabinet fonctionne et que la stratégie est la bonne.